Montage des roues à la main
Depuis le début du projet Breizh Bamboo Bike, j’ai fait le choix de rayonner, moi-même, à la main, les roues des vélos commercialisés. Les raisons de ce choix sont les suivantes :
- Le gain de place : dans un atelier vélo, les roues montées prennent beaucoup de place. Elles sont difficiles à stocker proprement. Et si on veut être réactif, il en faut beaucoup en stock. A l’opposé, les jantes et les rayons non montés prennent très peu de place. Les jantes 20 pouces, 26 pouces et 28 pouces se rangent dans un même volume.
- La flexibilité : Avec quelques moyeux en stocks et les rayons correspondants, je peux monter un paire de roues en quelques heures, plutôt que de devoir attendre une commande d’un fournisseur qui n’a pas toujours de stock disponible.
- La liberté : Le projet Breizh Bamboo Bike, au delà du vélo en bambou, est un projet made in France. Il est très difficile, voir impossible de trouver des roues montées avec les composants que j’ai sélectionnés, en particulier, les jantes 650 de Mach1. Ces jantes correspondent à ce que je veux pour mes vélos : Robustes, made in France, adaptées aux pneus larges et aux vélos à assistance électrique, disponibles en plusieurs tailles et nombre de rayons et enfin tubeless ready. Il y a également les moyeux MP2 de Aivee qui sont top ! Pour le moment, je les utilise peu sur mes montages, mais j’y viendrai quand la gamme évoluera.
- La qualité : En montant les roues à la main, je m’assure qu’elles soient bien rayonnées. Les roues montées par des machines et contrôlés par des personnes ne sont pas forcément mal montées.
( En France, on a par exemple la société Velox qui monte des roues avec des composants Mach1. Pour de la réparation de vélos, je me fourni chez eux, car les roues sont assez correctes. )
Cependant, un aspect est souvent négligé, c’est l’équilibrage des rayons : Sur une roue bien montée, tous les rayons d’un même bord doivent avoir la même tension. Si ce n’est pas le cas, un roue peut être « droite » à la livraison, mais le déséquilibre ne va pas s’améliorer avec le temps, et la roue va finir voilée plus rapidement. - La passion : Il faut tout de même l’admettre, si j’ai fait le choix de monter les roues à la main, c’est aussi parce que j’aime cela ! C’est un travail qui demande organisation, concentration et minutie. Quand une roue est bien montée, le résultat est payant !
J’ai ce souvenir de mon formateur en CQP de mécanicien cycle : Michel Le Goallec, à Saint Malo. Il nous racontait comment il avait fait sa clientèle en garantissant ses roues montées à la main : « zéro casse de rayons » – ce qui était très rare à l’époque !
Les rayons, quelle galère !
On en arrive au point que je n’ai pas encore abordé mais qui est la raison même de cet article : les rayons ! Il faut tout d’abord comprendre un peu leur utilité et leur fonctionnement :
Les rayons servent à relier le moyeu à la jante. De ce fait, il doivent transmettre la puissance du pédalage du moyeu arrière à la jante, ainsi que la puissance du freinage à disque. C’est à cela que servent les croisements des rayons. Il permettent à certains rayons d’être orientés vers l’arrière, pour tirer la jante et d’autres vers l’avant, pour la retenir quand on freine. Au passage, les rayons ne peuvent pas pousser la jante, car l’écrou de rayon n’est pas bloqué dans la jante – ils ne travaillent donc qu’en traction.
Pour qu’il remplisse bien ses fonctions, un rayon doit donc avoir un tension appropriée, et donc une longueur adaptée à la configuration choisie. C’est là que nos affaires se corsent ! Du fait des multiples possibilités de configuration : Largeur des flasques du moyeux, hauteur de la jante, nombre de rayons, nombre de croisements… Il y a une « infinité » de longueurs de rayons possible.
Pour déterminer la longueur, il existe une formule que je ne vais pas détailler ici. En général, on utilise un calculateur. Il en existe de nombreux en ligne, j’utilise celui de wheelpro.co.uk car il est simple. Par ailleurs, on trouve sur ce site un livre sur le rayonnage (en anglais) qui est abordable et très pragmatique ! C’est d’ailleurs là que j’ai découvert la notion d’équilibrage des tensions des rayons :
Une fois qu’on a sélectionné la jante et le moyeu que l’on veut utiliser, ainsi que le nombre de croisements, on peut calculer la longueur des rayons. La seule difficulté reste de se les procurer !
Il faut également savoir qu’en plus de la longueur, il existe de multiples types de rayons : différents diamètres, différents profils. Chez Mach1, il y a par exemple 9 modèles différents disponibles en noir ou argent, avec parfois plusieurs diamètres possibles. C’est donc très compliqué pour les grossistes d’avoir tout en stock !
En ce qui me concerne, je n’ai toujours pas de solutions simple pour certaines longueurs de rayons, en particulier sur les moyeux larges qui sont moins communs : moyeu à vitesse intégrée alfine et moyeu-moteur Bafang. Pour commander les rayons, je dois jongler entre 3 ou 4 fournisseurs et je suis parfois obligé d’utiliser une filière manuelle pour ajuster la longueur des rayons. Cela fonctionne, mais je paye des rayons au « prix fort » pour ensuite perdre 1h à les raccourcir.
À long terme, une possibilité que j’envisage sérieusement est d’investir dans une « machine à rayons » et de n’acheter que des rayons non filetés en grande quantité pour les avoir à un prix correct. Cependant une telle machine coute autour de 3000€ et est difficile à rentabiliser.
Aux États-Unis, l’histoire du vélo est différentes de celle de l’Europe : dans les années 70/80, il n’y avait pas de fabricants de rayons et les longueurs disponibles étaient très limitées. Avec l’arrivée du VTT, de nouveaux besoins sont apparus et les artisans ont dû s’adapter. Une solution a été pour eux de s’équiper d’un machine à rayons – Phil Wood Spoke Machine étant la première et donc la plus répandue. On trouve cette histoire sur le blog de wheelfanatyk (en anglais). C’est d’ailleurs chez eux que je prévois d’acheter ma machine à rayons ainsi que d’autres outils dédiés au montage de roues !
Prochaine article sur les rayons quand j’aurai cette machine 😉
Si vous voulez en apprendre plus sur les roues, ou sur la mécanique vélo en général, je proposerai à partir du printemps 2020, des cours de mécanique vélo et éventuellement de rayonnage de roue. Ils auront lieux dans la future boutique, au 173 rue Jean Jaurès, à Brest !